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Il est trop facile de pirater un satellite et ça menace Internet

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Les satellites sont moins bien protégés que nos ordinateurs.Image: Shutterstock

Il est trop facile de pirater un satellite et ça menace Internet

Le nombre de satellites en orbite va exploser ces prochaines années. Capitaux dans notre société numérique, ces engins sont pourtant très mal protégés contre les pirates et cela pourrait tourner à la catastrophe. Une conférence suisse veut y remédier.
18.03.2021, 18:1518.03.2021, 21:39
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Cela ressemble au scénario d'un film. Un pirate informatique prenant le contrôle d'un satellite afin de provoquer un gigantesque carambolage spatial. Une catastrophe qui aurait pour conséquence de priver une partie du globe d'Internet et de télécommunications.

«Cela fait Hollywood mais c'est assez réaliste finalement», affirme Mathieu Bailly, directeur des activités spatiales chez Cysec, une start-up de l'EPFL active dans la cybersécurité spatiale et qui organise cette semaine Cysat, la première conférence européenne sur le sujet. Selon ce spécialiste, les satellites coûtent des millions mais sont actuellement moins bien protégés qu'un ordinateur personnel. Pire:

«Il n'y a aucune culture de la sécurité dans le domaine spatial»
Mathieu Bailly, Cysec

D'ailleurs, une dizaine de cas confirmés ont déjà été recensés par le passé. En 2008, des pirates ont pris le contrôle durant plusieurs minutes de deux satellites de la NASA. D'autres avaient détruits les batteries d'un engin en forçant ses panneaux solaires à se placer face au soleil. «Et ça, c'est seulement la partie immergée de l'iceberg. Il y en plein dont on n'a pas entendu parler car les opérateurs n'ont pas du tout envie de communiquer sur ce sujet», précise Mathieu Bailly.

L'an passé, l'US Air force nous mettait au défi de pirater son satellite

L'objectif du concours Hack a Sat était de trouver les failles de sécurité afin de les corriger.Vidéo: YouTube/AFResearchLab

En 2020 encore, James Pavur, chercheur à l’Université d’Oxford, a capté l'ensemble des données transitant par 18 satellites avec du matériel TV coûtant moins de 300 francs. L'opération lui a notamment permis d'accéder aux informations de navigation d'un avion de ligne, aux données personnelles de l'équipage d'un pétrolier ou encore à un email envoyé par un avocat espagnol à son client.

«C'est vrai que c'est inquiétant mais tout cela montre bien que le niveau de protection n'est pas adapté. Les ingénieurs qui conçoivent les satellites commerciaux ne sont pas formés pour prendre en compte d'éventuelles cyberattaques. Ce qui compte pour eux, c'est que leur engin soit durable. Autant les militaires font attention à ça depuis très longtemps, autant dans le domaine civil, c'est extrêmement nouveau.»
Mathieu Bailly

C'est justement dans ce gouffre que l'entreprise Cysec veut s'engager en proposant une solution de sécurité clés en main aux opérateurs commerciaux. Bonne nouvelle, il est possible de mettre à jour les satellites déjà en orbite pour intégrer des moyens de protection.

Une opération qui serait plus que judicieuse au vu du rôle central que les satellites jouent dans notre société numérique. Télécommunications, météo ou encore géolocalisation, nous sommes dépendants d'eux pour une grande partie de notre quotidien.

«Notre objectif est de trouver des solutions pour éviter un
11 septembre spatial»
Mathieu Bailly

Et le problème ne va que s'aggraver. Les 2600 satellites gravitant actuellement autour de notre planète devraient très rapidement être rejoints par une montagne d'autres. Si le nombre d'engins spatiaux a doublé entre 2010 et 2020, il devrait littéralement exploser dans le futur. Space X a déjà obtenu l'autorisation d'en envoyer 12 000 et Amazon 3200.

Des milliers de satellites autour de la Terre et ce n'est qu'un début

Le site Celestrak.com répertorie l'ensemble des satellites autour de notre planète.

«On estime que 1000 nouveaux satellites seront lancés chaque année au cours de la prochaine décennie. Ils sont plus petits mais leur budget est plus restreint donc il est compliqué d'intégrer l'aspect sécurité», pointe le directeur. À ses yeux, il est donc nécessaire d'agir.

«Nous ne sommes pas du tout préparés à l'éventualité qu'un satellite soit piraté»
Mathieu Bailly

Si le scénario du carambolage spatial géant désactivant nos télécommunications est le plus spectaculaire, il est aussi celui qui pourrait avoir le plus des conséquences sur le long terme. En effet, chaque collision créerait de nouveaux débris qui occasionnerait de nouvelles collisions. «C'est un cercle vicieux. Dans le pire des cas, il est plausible que l'orbite basse, actuellement la plus utilisée, finisse par devenir inutilisable», observe Mathieux Bailly.

L'expert met également en avant deux autres risques majeurs:

«Certains pirates peuvent chercher à se faire de l'argent en prenant le contrôle de ces infrastructures peu protégées et en demandant une rançon en échange. Il y a aussi beaucoup de données sensibles qui transitent ou qui sont captées par les satellites. Elles peuvent être détournées pour être utilisées de différentes façons.»

Bonne nouvelle toutefois, Mathieu Bailly assure qu'une prise de conscience est en cours. Il en veut pour preuve la présence (virtuelle) de la conseillère fédérale Viola Amherd à l'occasion de la conférence cette semaine. «La Suisse a un rôle central à jouer. Nous avons un tissu de PME actives dans le domaine spatial et une réelle culture de la sécurité. C'est un sujet sur lequel il serait intéressant de se positionner», appuie Mathieu Bailly. Pour la prochaine édition de Cysat, son entreprise prévoit d'ailleurs de lancer une compétition invitant les hackers à prendre le contrôle d'un satellite.

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