Ce serait une sacrée couleuvre à avaler. En cas de victoire de Pierre Maudet le 28 mars prochain lors du second tour, ses six ex-collègues se retrouveraient devant le fait accompli. Pierre Maudet serait de retour au pouvoir. Mais comment diable ces sept-là, qui se sont autant détestés, pourraient mettre de côté des mois de conflit et collaborer à nouveau? Nous avons demandé l'avis de trois spécialistes du coaching en entreprise.
«La première chose, c'est que s'il est élu, il a une vraie légitimité à être là. Ses collègues seront obligés de lui faire une place et de partager le pouvoir avec lui, car il serait nommé par une autorité supérieure, en l'occurrence le peuple», pose d'emblée Bernard Radon, fondateur de Coaching Systems à Lausanne.
La situation sera d'ailleurs bien plus compliquée à vivre pour les six conseillers d'Etat en poste – qui vont devoir faire le poing dans leur poche – que pour Pierre Maudet, assure celui qui accompagne des politiciens et des managers depuis plus de 25 ans. Après tout ce qu'il a traversé, le Genevois possède désormais une carapace à toutes épreuves.
Bernard Radon souligne la nécessité pour les collègues de Pierre Maudet de prendre suffisamment de recul pour être capables d'accepter la situation. Surtout que dans le cas contraire – par exemple, s'ils décident d'attribuer à l'ex-PLR le département le plus petit possible comme ils l'ont déjà fait par le passé – ils risquent fortement de s'autopunir. «Ce sont déjà des gens qui travaillent énormément. Moins ils en donnent à Pierre Maudet, plus ils auront à en faire eux.»
Mais même si ses ex-collègues pourraient être forcés de l'intégrer, du moins officiellement, Bernard Radon est persuadé que les échanges seront beaucoup plus houleux en privé. «On en saura sans doute rien, mais ça va être viril. C'est un domaine où ils tapent du poing sur la table et s'engueulent comme dans une cour de récréation.»
Les politiciens ont l'habitude de travailler avec des gens avec qui ils ne s'entendent pas toujours, au moins au niveau idéologique, rappelle Jacques Bouquard, fondateur de La Coaching Factory à Genève. «Il va forcément y avoir des tensions, des sujets sur lesquels ce sera compliqué, mais j'espère que l'intérêt général primera et que cela ne créera pas une crise politique majeure.»
Pour éviter une telle situation, le coach conseille aux élus de crever l'abcès dès le départ, en faisant appel à un professionnel, si nécessaire, pour cadrer les discussions. «Politiques ou pas, cela reste des humains avec des émotions, ils ont besoin de redémarrer sur des bases saines.»
Médiatrice en entreprise, Isabelle Laugier abonde. «On ne peut pas faire revenir une personne dans un tel contexte sans qu'un travail soit fait.» A ses yeux, la situation est comparable à celle d'un conflit de famille dans lequel il faut être capable de dépasser les vieilles rancœurs pour trouver un mode de fonctionnement qui permette de se tourner vers l'avenir.
Et Pierre Maudet dans tout ça? Comment vivrait-il un retour au milieu de la fosse aux lions? «Il est difficile de déceler ce que ces gens ressentent vraiment. Mais je pense qu'il sera partagé entre le plaisir de son succès et des questionnements sur la manière dont il va bien pouvoir s'en sortir», analyse Bernard Radon.
Jacques Bouquard se permet, lui, un petit conseil. «S'il gagne, il ne faut pas qu'il soit trop triomphaliste. Ce ne serait que le début des emmerdes pour lui, le plus dur est encore à venir.»