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La démocratie attaquée par les minorités, la justice et les antisystèmes

Démocratie suisse en danger
Entre certaines minorités actives, certaines autorités juridiques et certains antisystèmes, un noyau commun: celui de l'attaque contre la démocratie. Image: Shutterstock
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Notre démocratie attaquée par les minorités, la justice et les antisystèmes

Remise en cause de toute part, la démocratie suisse vit des heures dangereuses. Certains propos tenus par la défense des activistes climatiques condamnés ce 18 juin à Fribourg ne font pas exception.
19.06.2021, 08:0702.11.2021, 20:49
Jonas Follonier
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«Le vote ne sert à rien.» Voilà l'une des phrases prononcées mot pour mot le lundi 31 mai par la défense des activistes climatiques membres d'Extinction Rebellion en procès à Fribourg. Ils ont été condamnés ce 18 juin en deuxième instance pour avoir bloqué un magasin lors du Black Friday en 2019. Dans le but de justifier cet acte de désobéissance civile au nom de la lutte «pour le climat», l'un des arguments de la défense est donc le suivant: élire des représentants du peuple ne sert à rien car ils ne font pas leur travail. Il faut donc faire entendre sa voix autrement. Belle conception de la démocratie.

Rappelons que près de neuf Suisses sur dix n'ont pas voté pour Les Vert.e.s aux dernières élections fédérales. Les activistes climatiques de type Extinction Rebellion, au moins autant écolo que le parti vert, sont donc les représentants d'une frange ultra-minoritaire de la population – les images de foules lors de «grèves pour le climat» ne changeront rien à cette réalité. Le travail des parlementaires est à l'image des citoyens qui les ont élus sur la base de leur programme et de leurs convictions. Et si le peuple n'est pas content de leurs actions, il peut changer le casting quatre ans plus tard.

Contourner le système «pour la bonne cause»

Le système suisse est ainsi bâti que notre démocratie n'est pas seulement parlementaire, elle est aussi directe. Les outils de l'initiative populaire et du référendum permettent au peuple de s'exprimer directement sur un objet, en l'acceptant ou en le refusant. Comme une sorte de frein à l'exercice du pouvoir législatif. Mentionnons aussi le droit de pétition, permettant aux Helvètes d'adresser une requête écrite à l'Etat.

Mais voilà, les initiatives écologistes n'ont pas vraiment de succès, la population suisse étant plutôt de droite. Et les consensus trouvés par les parlementaires sur les questions climatiques – ils s'en occupent, de ces questions, arrêtons d'affirmer le contraire! – ne sont pas du goût des écologistes d'extrême gauche. Alors, ceux-ci estiment qu'il faut contourner le système. Violer la loi et s'en remettre à la justice pour espérer qu'elle condamne les autres pouvoirs et fasse ainsi avancer la «cause». Quand on est de la «bonne» cause, tout devrait être permis, selon eux.

Antigone VS Créon (spoiler: c'est Créon qui a raison)

Cet enjeu était déjà présent chez les Anciens. Dans la tragédie Antigone de Sophocle, l'héroïne du même nom estime que la justice morale est supérieure à la justice humaine et qu'elle doit donc enterrer la dépouille de son frère en suivant ses principes, malgré l’interdiction du roi Créon. Antigone est la figure de l’adolescence et de la révolte. Créon, celle de l’âge d’adulte et du respect des lois. Tous deux sont des personnages tragiques. Perso, j'ai toujours eu un faible pour Créon, surtout si nous nous trouvons comme aujourd'hui dans un régime qui permet à chacun de s'engager et de participer au changement des lois.

Entendons-nous. Oui, toute éthique, toute religion l'emporte par définition sur les normes politiques. Antigone a donc raison de considérer la «morale divine» au-dessus de la loi arbitraire de la Cité. Mais ce que nos démocraties libérales ont notamment hérité du christianisme, c'est que le royaume de Dieu n'est pas de ce monde. Rendons à César ce qui est à César, point final. La justice d'en-haut ne regarde pas nos tribunaux.

Une tendance anti-démocratique plus générale

Les activistes climatiques radicaux ne sont pas les seuls à se faire entendre ces temps-ci. Néo-féministes extrémistes, mouvements pro-palestiniens manichéens… rien dans leurs pratiques ne donne l’image d’une société ouverte. Le mot «respect» aux lèvres, ces groupes sèment le désordre dans les villes en gueulant contre des députés. Pour parler de tolérance, ils organisent des réunions non-mixtes. Quand ils entendent s’unir sous le mode de la «convergence des luttes» (plus on est de dominés différents, mieux c’est), c’est pour exclure les autres, surtout les hommes blancs cisgenres héréros occidentaux capitalistes – on connaît la chanson.

Toutefois, s’arrêter à ces fameuses minorités actives serait une erreur. Les juges qui leur donnent raison – ne songeons qu’au procès de Renens – sont aussi responsables qu’elles, sinon plus, de l’atteinte à nos institutions démocratiques. Le Tribunal fédéral a donné tort ce mois-ci à l'argumentaire de l'état de nécessité, mais il faut s'attendre à ce que les activistes ne s'arrêtent pas là et saisissent la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH).

Il y a aussi les théoriciens de la démocratie participative, qui souvent voient dans la démocratie directe un système binaire fonctionnant avec des «oui» et des «non» et appellent à la création de décisions «citoyennes» – ils oublient généralement qu’il existe le vote blanc, permettant justement de dire qu’on n’est pas encore en mesure de pouvoir glisser un «oui» ou un «non» dans l’urne.

Quant aux antisystèmes qui se multiplient depuis le Covid et développent des envies de référendums et d’initiatives populaires à n’en plus finir, il n'est pas sûr qu'ils servent tous la cause qu’ils brandissent. La démocratie, du moins la nôtre, c’est donner au peuple la tâche importante et solennelle de choisir ses représentants et de donner son avis sur les lois qu'ils ont eu la rude tâche de préparer. Ce n’est pas «rendre» le pouvoir au peuple. Ce n’est pas faire du dégagisme. Au fond, tout le monde se bat au nom de la démocratie. Seulement, ceux qui, dans les faits, la contournent ou, au contraire, la surexploitent, contribuent à sa dislocation.

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