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Refus de l'e-ID: la Suisse a un problème avec le numérique

Votation e-ID 7 mars.
Image: KEYSTONE
Analyse

Refus de l’e-ID: la Suisse a un problème avec le numérique

La loi sur l'identité électronique (e-ID) a obtenu un large refus le 7 mars par le peuple. Où se situe la Suisse en matière digitale? Les grands défis qui l'attendent en trois points.
07.03.2021, 16:5307.03.2021, 23:11
Jonas Follonier
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C’est un grand non. D’après les résultats définitifs, la Loi fédérale sur les services d’identification électronique (LSIE) est rejetée aujourd'hui par le peuple suisse à 64,4%. Quelle que soit l'interprétation que l'on fait de ce refus, une chose est certaine: la population estime que l'Etat suisse n'a pas encore trouvé de bonne solution au problème de l'e-ID.

Ajoutons à cela l'e-expérience du Covid-19: l'application SwissCovid n'a pas eu le succès qu'attendait la Confédération; le manque de masques au début de la crise était dû à un mauvais calcul des stocks sur la base de fax... La Confédération a assurément des étapes importantes à franchir dans le domaine du numérique. Concrètement, quelles sont-elles?

Mise à jour de l'administration

Pas plus tard que fin-février, l'épidémiologiste Marcel Salathé a quitté la task force Covid-19 de la Confédération au motif que cette dernière a un retard numérique inacceptable, qui se lit en particulier au niveau de l'administration fédérale. Le spécialiste a par le même coup fondé le groupe interdisciplinaire CH++, ayant pour but de «renforcer» les compétences scientifiques et technologiques du monde politique, de l'administration et de la société dans son ensemble».

«Que ce soit au niveau des critères d’embauche des fonctionnaires ou au niveau de la formation continue qui leur est offerte, les compétences numériques doivent jouer un rôle plus important qu’aujourd’hui», déclarait Olga Baranova, l'une des personnalités membres de CH++, au journal Le Temps le 21 février.

Une vision que partage le conseiller national fribourgeois Gerhard Andrey, membre des Verts et cofondateur de l'agence digitale LIIP. Au téléphone, il insiste sur ce besoin général pour la Suisse de se mettre à jour, dans le public comme dans le privé. «On oppose souvent l'un et l'autre, mais les problèmes sont globalement les mêmes», note le conseiller national. «Dans le secteur privé comme dans l'administration, certains domaines sont très avancés et d'autres ont beaucoup de retard à rattraper.»

L'un des leviers pour l'édification d'une véritable «cyberadministration»? La standardisation de la communication numérique entre différents serveurs, ordinateurs et logiciels. «Il y a aujourd'hui beaucoup de ruptures entre les différents départements, il manque un langage commun.» Le député a déposé une motion à ce sujet, qui a été adoptée.

Identité électronique, d'une façon ou d'une autre

Outre la modernisation du fonctionnement de l'administration fédérale, un autre grand défi est justement l'introduction d'un bon système d'identification électronique, selon Gerhard Andrey, qui considère qu'il s'agit là d'une «prestation de base». Et celui qui s'est engagé en faveur du «non» prend ce refus comme une avancée, non comme un stationnement:

«Ce qu’on a perdu en temps, on l’a gagné en clarté»

Nous avons ainsi eu l'occasion en Suisse d'être informés et de réfléchir à la gestion de nos données personnelles. Mais cette question est aussi celle de notre rapport à l'Etat. La conseillère fédérale Karin Keller-Suter, en campagne pour le «oui», estimait dans une interview publiée sur le site du Département fédéral de justice et police:

«On ne peut pas comparer [la Suisse] avec l’Estonie qui a une administration totalement digitalisée et une conception de la protection des données assez différente de la nôtre: l’Etat gère une grande banque de données centralisée. Ça demande une confiance dans l’Etat qui n’est pas forcément acquise en Suisse.»

Or, on peut se demander si l'inverse n'est pas vrai aussi dans une certaine mesure. A savoir: il y a fort à parier que la confiance des Suisses envers la Confédération sera accrue si cette dernière se donne les moyens d'avoir les compétences numériques, la fiabilité et la sécurité qu'on peut légitimement attendre d'un pays avancé en 2021.

Education au digital

Ce n'est pas seulement les fonctionnaires et les élus, mais de manière générale tous les citoyens de ce pays qui devraient être mieux informés en matière numérique, selon les membres du groupe CH++. D'où leur revendication d'une éducation numérique accrue au niveau de l'école obligatoire.

Le vert Gerhard Andrey approuve. La vert'libérale Judith Bellaïche aussi. «Il faut introduire des cours de programmation dès l’époque primaire, progressivement», développe la conseillère nationale zurichoise. «Le numérique va complètement changer nos professions, il faut préparer nos jeunes à leur entrée dans la vie professionnelle.»

Il y a bien sûr un grand frein politique à cette modernisation que la politicienne appelle de ses vœux: ce sont les cantons qui, en Suisse, sont en charge de l'éducation. «Il y a aussi deux autres freins», complète la Zurichoise, qui sont «le manque d'enseignants et les matières déjà chargées». Une piste? «Rien n'empêche d'avoir des intervenants externes. On le fait pour la religion, alors pourquoi pas pour le numérique.»

«Pas sûr que toutes les heures de religion ou de chant préparent vraiment les élèves à leur future entrée dans le monde professionnel. Il faut rééquilibrer ces matières en introduisant des cours de programmation.»
Judith Bellaïche, conseillère nationale (PVL/ZH)

Les thèmes de la cybersécurité et du vote électronique sont également sur la table des discussions depuis des années. A voir comment évoluera la perception de ces sujets par les politiques, l'administration... et la population. Car «si elle a montré une relative agilité durant la période du Covid-19, il manque des ponts de manière générale entre le public et le savoir sur le numérique», conclut Judith Bellaïche.

Pas une cancre pour autant

Si l'on regarde les choses globalement et en incluant le secteur privé, on ne peut pas dire que la Suisse fasse partie des mauvais élèves. Elle arrive sixième sur le classement de la compétitivité numérique de 2020, qui est basé sur trois critères: la base de connaissances, la technologie et la disponibilité future du pays.
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