Johan Nikles, comment allez-vous?
Ça va. En tant que joueur de tennis, on est habitué à ces insultes, mais elles sont rarement aussi virulentes. On perçoit souvent de la frustration chez les parieurs qui nous écrivent. Ils cherchent à nous blesser en disant qu'on est nuls ou ridicules. C'est pesant. Mais cette fois, c'était plus que ça.
A partir de quand, pour vous, une limite est franchie?
Quand un parieur dit qu'il viendra en Suisse pour me trouver, moi et ma famille. C'est un peu flippant.
Quand avez-vous pris connaissance de ce message?
En sortant du terrain. J'avais une quinzaine de commentaires. D'ordinaire, je ne les lis pas. Mais j'ai pris connaissance de celui-ci. Et c'était le plus violent.
⚠️ This needs to stop 🛑 It’s going too far. I just don’t feel safe anymore with threats like that @ITFprocircuit @atptour pic.twitter.com/uUy0co66pW
— Johan Nikles (@NiklesJohan) July 15, 2021
Est-ce que quand on joue au tennis et qu'on est mené dans un match on se met à cogiter, à penser aux messages d'insultes qui ne manqueront pas d'arriver en cas de défaite?
Non, non. (il soupire). Mais on sait qu'on va y passer à la fin du match.
Dans votre tweet, vous interpellez les autorités du tennis, l'ATP et l'ITF. Vous leur reprochez un certain laxisme sur le sujet?
Oui. Clairement. Rien n'est mis en place pour la protection des joueurs. Les autorités ne font rien, les sites de paris non plus. J'ai l'impression qu'ils réagiront uniquement lorsque quelque chose de grave se passera.
Vous pouvez porter plainte?
C'est compliqué, parce que je ne sais même pas où résident les personnes qui m'écrivent. Celui qui m'a menacé jeudi est peut-être tchèque, puisque son IBAN commence par CZ. Mais je ne sais pas. C'est très compliqué.
Allez-vous prendre des mesures en rentrant à Genève?
Non, ce n'est pas possible. Je ne peux pas rester toute la journée à la maison. Et si le mec retrouve mon adresse et vient m'attaquer chez moi, je ne pourrai rien faire. La seule solution, pour ne plus être menacé, serait de couper mes réseaux sociaux et changer de mail.
Vous recevez même des insultes par mail?
C'est déjà arrivé.
Vous ne pouvez pas quitter les réseaux sociaux, vous avez besoin de visibilité, de vous vendre.
Exactement. C'est tout le problème. Du coup, on est obligé de passer par les insultes. C'est le côté obscur du tennis et des paris.
Lorsque vous recevez ces insultes, avez-vous encore l'impression d'être un joueur de tennis? C'est comme si vous étiez «quelque chose», un investissement qui peut faire gagner de l'argent aux parieurs.
C'est tout à fait ça. Mais la situation n'est pas toujours la même: il arrive parfois que mes matches ne soient pas diffusés. Les gens ne peuvent donc pas savoir comment le match s'est déroulé, ils ne connaissent que le résultat final et m'insultent quand même. Contre Rosol ce jeudi, c'était différent, car la rencontre était visible sur internet. Le public a bien vu que mon adversaire était meilleur et qu'avec les conditions, je ne pouvais rien faire. Mais j'ai quand même été menacé.
Certes, mais vous n'avez pas à vous justifier d'une défaite!
Oui oui, c'est vrai. En plus, c'est moi le premier perdant dans l'histoire.
Les insultes vous ont-elles découragé au point de songer à arrêter le tennis?
Non, quand même pas. Mais je suis persuadé que l'ATP et l'ITF, en dialoguant avec les sites de paris, pourraient faire quelque chose. Une cellule devrait être créée, afin que les joueurs victimes d'insultes et de menaces puissent transmettre les messages, et que les autorités puissent retrouver les auteurs. Ce n'est pas possible de continuer comme ça.