En minimisant un sujet d'inquiétude majeur dans le hockey sur glace actuel, vendredi dernier sur Lematin.ch, Philip-Michaël Devos a provoqué consternation et incrédulité. «Il faut sensibiliser (sur les commotions) au lieu de dire des conneries pareilles», s'est étranglé Chris Rivera, ancien joueur de Genève et de Fribourg. Le coach de Martigny, Laurent Perroton a pour sa part dénoncé «des paroles dangereuses pour notre sport et pour les pratiquants».
Un expert du hockey romand ne voit pas du tout les choses de la même manière. Il ne comprend pas très bien pour quelle raison la déclaration du buteur ajoulot a suscité tant de commentaires indignés.
Gary Sheehan se garde bien lui aussi de critiquer Devos. D'abord, parce qu'il est l'entraîneur de celui qu'il appelle «Phil» et qu'il affectionne. Ensuite et surtout parce qu'il connaît le parcours de son étranger. «Il fait partie de la génération des hockeyeurs canadiens durs au mal, qui ne se cherchent pas d'excuses. Des gars qui ont été élevés à la dure en ligue junior majeur à une époque où personne ne parlait des commotions. Quand un joueur prenait une charge à la tête, son coach lui demandait s'il se souvenait de son numéro de téléphone. Si la réponse était positive, c'est qu'il était assez lucide pour retourner sur la glace».
Stéphane Rochette, ancien arbitre devenu consultant pour la chaîne MySports, vient aussi du Québec, comme Sheehan et Devos. Il rappelle qu'au Canada, jouer en étant blessé suscite fierté et admiration. «Ces hockeyeurs qui surmontent la douleur apparaissent comme des guerriers».
C'est dans ce culte de la virilité exacerbée que «Phil» Devos a grandi. C'est ce qui a fait de lui le joueur qu'il est aujourd'hui. «Un gars résistant et exigeant, qui se fait une fierté de ne pas avoir manqué un seul match depuis son arrivée dans le Jura, raconte Sheehan avec admiration. Certains hockeyeurs touchés à la tête ont tellement peur qu'ils s'enferment dans leur logique alors qu'ils n'ont rien. Ce n'est pas le genre de Phil. Lui ne laisse pas de place au doute. Comme on dit: son pied est loin du coeur. Aucune douleur au pied ne l'empêchera de jouer tant que son coeur battra. Il a été élevé comme ça.»
«Phil» Devos a toutes les caractéristiques de ce que les suiveurs du hockey appellent un guerrier. Que ce soit dans son attitude ou dans son apparence. «Quand je lui ai demandé une interview, il m'a lancé: «Attends, je vais chercher mes dents». Il a reçu tellement de pucks au visage qu'il doit porter un dentier», relate Valentin Danzi, journaliste de Radio Fribourg.
Un observateur évoque «un joueur courageux», non sans préciser que «la frontière entre courage et inconscience est parfois mince». Il ajoute: «Quand Patrice Bergeron dispute une finale de NHL avec un poumon perforé, c'est de l'inconscience. On n'est pas loin de ça avec les doutes exprimés par Devos au sujet des commotions.»
La prise de position du playmaker jurassien laisse supposer une personnalité instinctive et clivante. Or rien n'est moins éloigné de la vérité, défend Steven Barras, légende du club ajoulot: «Devos est réfléchi, calme et posé». Pratiquant assidu de golf et de tennis, deux disciplines qui enseignent la gestion des émotions, il a aussi la réputation d'être un grand travailleur. «Il visionne les matches des autres équipes pour étudier le jeu des défenseurs», dévoile Rochette.
On le dit aussi méticuleux avec son matériel. Le moindre détail revêt chez lui une grande importance. Gary Sheehan: «C'est le seul joueur qui a déjà toutes ses affaires prêtes dans le vestiaire la veille du match.» Le Québecois de 30 ans pousse parfois la rigueur jusqu'à l'obsession. Il le confesse sur les ondes de RFJ: «Je dois obligatoirement lacer le patin gauche avant le droit. Sinon, je me sens déséquilibré sur la glace. J'arrive à peine à patiner.»
Un peu comme un hockeyeur victime d'une commotion, ce fléau dont il refuse l'idée, par bravade et superstition.