Yvon Mvogo s'apprête à vivre une grande aventure. Grâce à une femme. Celle de Yann Sommer. Hein? Hé oui: la chérie du gardien titulaire de la Nati va donner naissance au deuxième enfant du couple. Jeudi matin, le papa a pris l'avion direction Cologne pour assister à l'heureux événement. Du coup, s'il ne revient pas d'ici dimanche et le match contre la Turquie à Bakou (18h00), il laissera sa place dans la cage au Fribourgeois, habituel numéro 2 de l'équipe nationale.
Yvon Mvogo jouerait son premier match dans un grand tournoi. Il avait déjà pu goûter à ce genre d'ambiance en 2018, puisqu'il était le troisième gardien de l'équipe suisse à la Coupe du monde en Russie. Depuis, l'ex-numéro 2 Roman Bürki a claqué la porte de la Nati, lassé de n'être que la doublure de Sommer. Mvogo, lui, n'a jamais baissé les bras et a attendu patiemment son heure de gloire. «Yvon a toujours eu une super mentalité», se réjouit Valentin Danzi, son entraîneur quand il évoluait en juniors au centre de formation cantonal fribourgeois (Team AFF). L'ex-coach enchaîne:
Alain Rochat a, lui, côtoyé le portier international pendant quatre ans à Young Boys. L'ancien défenseur vaudois en garde lui aussi un excellent souvenir: «Yvon avait toujours la banane, on l’entendait beaucoup dans le vestiaire. Il était heureux d'être là, très enthousiaste et concentré sur le football.» Dans un grand tournoi, où les coéquipiers et le staff sont constamment ensemble pendant plusieurs semaines, la vie de groupe est déterminante. Et Vladimir Petkovic le sait.
Le sélectionneur helvétique a toujours fait confiance à Yvon Mvogo, même quand le Fribourgeois ne jouait quasiment pas à Leipzig, entre 2017 et 2020. Pour gagner du temps de jeu, le natif de Yaoundé au Cameroun a quitté la Bundesliga l'été dernier et a signé pour deux ans, en prêt, au PSV Eindhoven. Lors de la saison écoulée, il a disputé 33 matchs du championnat des Pays-Bas et 8 d'Europa League.
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— Yvon Mvogo (@YMvogo) August 26, 2020
Ce transfert pertinent dans un club historique et ambitieux –deuxième du dernier exercice derrière l'Ajax, et qui compte par exemple dans ses rangs le champion du monde allemand Mario Götze – permet à l'international suisse d'engranger une solide expérience et d'arriver très bien préparé pour cet Euro.
Si Yvon Mvogo est aujourd'hui au sommet du football helvétique, c'est justement aussi grâce à des choix de carrière judicieux et à un bon entourage. «Quand Yvon a fait ses débuts avec l'équipe de Suisse M15 en 2009, des agents d'Allemagne et d'Italie ont commencé à m'appeler, rembobine Valentin Danzi. Les sommes proposées étaient très conséquentes, surtout pour une famille modeste comme celle d'Yvon. Mais avec la direction du Team AFF, nous avons conseillé à Yvon et sa maman de ne pas céder au chant des sirènes et de privilégier la filière Young Boys.»
Un coaching gagnant: l'ancien junior du FC Marly terminera sa formation dans le club de la capitale, et il s'imposera définitivement comme gardien numéro 1 de la première équipe dès le 8 décembre 2013. Ce jour-là, l'emblématique portier de YB Marco Wölfli se blesse gravement en plein match à Thoune et est remplacé par le jeune Fribourgeois. Très convaincant, Mvogo ne quittera plus la cage bernoise jusqu'à son départ à Leipzig en été 2017.
One of my favorite moments in 2019! 🤩🤩Hopefully there will be many more in 2020🙌🏾🤞🏾🙏🏽! Happy New Year to everyone!🥳🎉🎊 @DieRotenBullen @ChampionsLeague pic.twitter.com/oR2C1mKgEl
— Yvon Mvogo (@YMvogo) December 31, 2019
L'actuel dernier rempart d'Eindhoven a connu une progression linéaire depuis les M13 du Team AFF en 2006. Pourtant, à son arrivée à Fribourg, rares sont ceux qui imaginaient une si belle carrière pour le Marlinois. Valentin Danzi n'en faisait pas partie. «C'était lors de ma première année d'entraîneur des gardiens là-bas. Un jour, un collègue me demande de venir deux minutes au bord du terrain à Saint-Léonard. Il m'explique, en désignant Yvon du doigt, qu'il sera mon nouveau gardien l'année suivante. Je lui demande alors s'il n'y a vraiment personne d'autre... Et là, le directeur me répond, en rigolant: "Au moins, tu auras du travail avec lui!"», se marre l'actuel entraîneur des portiers du FC Bulle et journaliste à Radio Fribourg.
L'ex-coach des jeunes gardiens fribourgeois se rend compte du potentiel de son protégé deux ans plus tard, quand toutes les qualités que requiert ce poste dans le foot de haut niveau deviennent perceptibles chez Yvon: une bonne taille, la technique et le mental. C'est d'ailleurs la personnalité du Fribourgeois qui fera tilt au staff de l'AFF:
Signe que le jeune homme d'à peine 15 ans est posé et déjà très mature. Il est reconnaissant envers une mère qui a quitté le Cameroun quand son fils avait 6 ans, pour lui offrir la meilleure éducation possible en Suisse. Pour cette femme, qui se démène en faisant des ménages histoire que son enfant ne manque de rien, l'école est cruciale. Tout le contraire du foot. Elle accepte de laisser venir jouer Yvon au Team AFF seulement après avoir négocié un deal avec les entraîneurs: son rejeton jouera au foot tant qu'il aura de bonnes notes et une attitude exemplaire en classe. Sinon, il ne tapera plus dans un ballon.
Heureusement pour lui et pour tous les fans de la Nati, Yvon Mvogo a fait le job derrière son pupitre. Il est prêt à le faire ces prochains jours sur sa ligne de but avec l'équipe nationale. Alain Rochat a confiance en son ex-coéquipier: «Il est très athlétique, il prend énormément de place dans le but. Ses réflexes sont impressionnants, et il a beaucoup progressé dans ses sorties aériennes, son point faible à l'époque.»
Valentin Danzi se réjouit de suivre depuis son appartement bullois les exploits d'Yvon Mvogo à l'Euro. Même si le Gruérien avoue être toujours tendu, derrière sa télé, quand son ancien protégé défend les filets. Sur son canapé, le coach ne portera pas le maillot de la Nati que son ex-élève lui avait offert après sa première sélection. «Vu la différence de taille, je l'utilise plutôt comme chemise de nuit!», rigole l'entraîneur des gardiens du FC Bulle. Ce cadeau en est la preuve: Yvon Mvogo n'oublie pas d'où il vient. Et cet état d'esprit positif sera peut-être déterminant pour lui et l'équipe de Suisse dans cet Euro.