Par la qualité de son collectif, sa série d'invincibilité, l'émergence de ses talents et la gestion de son calendrier, la Squadra Azzura laisse penser qu'elle est au début de quelque chose de significatif, peut-être même d'une domination durable.
L'Euro a récompensé les collectifs et puni les sommes d'individualités dans des proportions jamais atteintes jusque-là. C'est une tendance nouvelle, certes, mais elle est marquée, et peut-être déjà ancrée.
Si la même idée vaut pour la Coupe du monde 2022 (du 21 novembre au 18 décembre), alors l'Italie peut partir au Qatar en première classe. Nulle autre équipe n'a rassemblé autant de talents, et aussi longtemps, autour d'un projet commun. La force du groupe compense toutes les absences, celles qui se savent (Spinazzola) et celles qui se découvrent en cours de match (Immobile et Barella dimanche).
Les Transalpins n'ont plus perdu depuis 34 matches, ce qui signifie qu'une certaine routine s'est installée, et pas de celle qui fait bailler. La Nazionale avance, sûre de ses convictions et de ses ambitions, et il faudra plus qu'un mauvais début de rencontre, même dans un match capital, même dans un stade hostile, pour la faire douter d'elle-même.
Ce degré d'invincibilité, naturellement, l'expose. L'Italie était moins bien cotée que la France, l'Allemagne, l'Angleterre, la Belgique ou le Portugal, et la voici championne d'Europe. Elle ne sera plus outsider, plus tout de suite, ce qui est une responsabilité, mais aussi une double menace pour son équilibre et son rapport aux autres. Ses adversaires la verront venir de loin.
Si la Nazionale souhaite étendre son influence sur le football mondial, elle devra choyer ses seniors et intégrer de nouveaux talents. Chiellini est le joueur que le temps menace le plus, parce qu'il a bientôt 37 ans, et que son corps grince comme un convoi de marchandises, mais la relève est prête. ⬇️
D'autres forces vives émergent comme Zaniolo, Pellegrini, Sensi et Spinazzola, bien sûr, dont le public a eu un petit aperçu du talent, avant sa grave blessure contre la Belgique. Ce n'est pas tout: des garçons comme Tonali, Raspadori, Kean, Scamacca, Pinamonti, Pellegri, Salcedo etc. laissent penser que l'horizon est azur.
L'Italie est en avance sur son temps. Cette équipe, dont la garde a été confiée à Roberto Mancini en 2018, avait quatre ans pour s'émanciper, gagner en confiance et en maturité. Personne, même au pays, n'avait imaginé une telle maturité 18 mois avant le Mondial qatari.
Cette crise de croissance est belle, grisante. Elle est le point de départ de tous les rêves, et pose une question dont aucun Italien, ce lundi matin, ne veut la réponse: si cette équipe est encore en apprentissage, de quoi sera-t-elle capable quand elle aura fini de grandir?