Le coup d'état avait eu lieu en pleine nuit, la reddition aussi. Quarante huit heures après sa création, la Super Ligue a déjà perdu ses six sujets britanniques, dont certains ont même cédé sous le poids des remords. En plus de déserter leur nouvel idéal, ces six clubs se sont confondus en excuses:
As a result of listening to you and the wider football community over recent days we are withdrawing from the proposed Super League.
— Arsenal (@Arsenal) April 20, 2021
We made a mistake, and we apologise for it.
Il est amusant de constater que six clubs anglais, après l'avoir quittée, ont réaffirmé leur attachement à l'Europe du football, à contre-courant de toute direction politique. Amusant, mais pas surprenant: sans mettre en doute la repentance de ses six membre dissidents, le championnat anglais rapporte autant d'argent que les milliards promis par les soutiens occultes de la Super Ligue (JP Morgan. Amazon?).
La pression, en Angleterre, était devenue insoutenable. Mardi soir, des centaines de fans de Chelsea ont barré l'accès à Stamford Bridge, où les Blues recevaient Brighton (0-0). Tous chantaient: «It's not football anymore», «ce n'est plus du football». D'autres préféraient le sitting ou le jet de maillots.
Les cris de la rue, les sommations du monde institutionnel, mais probablement aussi la désapprobation silencieuse de plusieurs actionnaires et sponsors, ont eu raison des velléités séditieuses du football anglais, dont l'histoire retiendra peut-être qu'il a trahi, mais peut-être aussi que, en un sens, il a fait avorter le coup d'état à lui seul. Car maintenant...
A qui le tour? En d'autres termes, comment le dernier front de résistance, emmené par le Real Madrid et la Juventus, compte-t-il défendre ses intérêts ou, pis, disputer une compétition avec seulement six clubs? Et avec autant de menaces à repousser.
Plus seuls que jamais, les clubs espagnols n'en ont pas fini de leurs visées séparatistes, et ce n'est pas une surprise non plus: au contraire de leurs (faux) amis anglais, ils ne perçoivent pas des droits TV à la hauteur de leur train de vie (mais faut-il blâmer la TV ou le train?), et ils sont surtout couverts de dette; une fois encore.
Fraîchement réélu à la présidence du Real Madrid, Florentino Perez prévient que «nous serons tous morts en 2024», au lancement de la nouvelle Ligue des champions. Le désespoir peut mener à tout, envers et contre tous.
Il y a à peine 24h, Florentino Pérez annonçait que les 12 clubs de la Super League avaient déjà signé des contrats et que personne ne pouvait partir. 😆😊😉😉😇🥳🧐 pic.twitter.com/KKQQjnr0Pn
— Passion Football Club (@PassionFootClub) April 20, 2021
Au-delà des contentieux et des rancunes qu'il s'agira de dissiper, les problèmes ne sont pas résolus.
Cairo à Andrea Agnelli "Vous avez déposé le projet le 10 janvier. Comment oses-tu venir ici et parler de solidarité tout en ayant saboté les négociations sur les droits TV (en février ndlr) parce que tu savais que tu participerais à la Super League ? Traitre."
— FrSerieA (@FrSerieA) April 19, 2021
(ANSA) pic.twitter.com/Qqwg76NxpJ
Au minium, la Super Ligue restera un dossier compromettant que les douze apôtres du football-business pourront ressortir à chaque instant, comme un moyen de pression, pour obtenir les faveurs de l'UEFA. Laquelle ne devra pas seulement rabibocher sa communauté, mais en préserver les équilibres fragiles, dont dépend également sa propre prospérité.
Ajoie a piétiné Kloten 5-0 et, d'une certaine façon, c'est une autre réponse à la félonie du sport-business: Devos (deux buts) et Hazen (un but) ont assommé leur éventuelle future équipe sans vergogne, avec un allant irréprochable. Puisque les rumeurs de trahison qui courent à leur sujet ne semblent pas s'essouffler, les stars du HC Ajoie les ont devancées en patinant plus fort, comme on dit dans leur jargon canadien.
Une très belle journée à toutes et à tous, dans la joie et l'unité plus ou moins retrouvée.