Oui. Après des frémissements à la hausse ici et là depuis plusieurs semaines, et de grandes disparités (forte hausse en République tchèque, forte baisse au Portugal), une tendance lourde se dessine depuis le week-end: l’Europe entière se prépare à voir déferler la troisième vague de Covid-19 après celles de mars-avril 2020 et d’octobre 2020 à janvier 2021. Seuls trois pays paraissent pour le moment épargnés: le Royaume-Uni, l’Irlande et le Portugal, les mêmes qui ont subi les assauts du «variant anglais» en janvier et ont sévèrement confiné pour freiner sa progression.
L’Italie a reconfiné ce lundi, après que les cas avaient bondi de 10% la semaine dernière.
Un autre chef de gouvernement, Giuseppe Conte, avait dit exactement la même chose douze mois plus tôt. Nous vivons en effet un jour sans fin.
En Allemagne, où le taux de contagion avait fortement diminué entre le début de l’année et fin février, la courbe est aussi repartie à la hausse.
Ceci alors que le gouvernement Merkel vient justement… d’assouplir les mesures. «L’extrapolation des tendances montre qu’il faut s’attendre à un nombre de cas supérieurs la première semaine d’avril à ceux de Noël», a prévenu vendredi Lothar Wieler, le chef de l’institut Robert Koch, chargé de la veille épidémiologique.
En France, les chiffres en Île-de-France et dans une vingtaine de départements sont particulièrement inquiétants et le bal tragique des transferts de malades vers des hôpitaux de province moins chargés va recommencer. Les images de «TGV médicalisés» servent certes à nourrir l’espace médiatique à un peu plus d’une année de l’élection présidentielle, mais la saturation est réelle. Le président Macron résiste pour l’instant à un nouveau confinement auquel l’enjoignent les épidémiologues. Pour combien de temps?
La situation se détériore. Après des semaines de stabilité en «plateau» (pas de hausse, mais plus de baisse), le nombre de cas repart à la hausse. «La situation est inquiétante si l’on regarde le fameux chiffre R, explique Antoine Flahault, directeur de l’Institut de Santé globale à l’Université de Genève. La moyenne suisse est de 1,13; mais elle est de 1,19 dans le canton de Zurich, de 1,21 dans celui du Tessin, et même de 1,34 dans celui de Lucerne. Or dès 1,10 on considère que la courbe est exponentielle. Vous l’avez compris, la situation est intenable.»
Annoncées depuis début janvier – elles sont d’ailleurs la cause de l’extrême prudence du Conseil fédéral – les mutations du Covid-19, comme B.1.1.7 alias «le variant anglais», sont désormais à l’œuvre dans presque 80% des cas d’infection. La question n’est donc plus de savoir si la Suisse pourra échapper à la troisième vague: elle est déjà là. Ce qui semble donner raison à la stratégie défendue depuis de nombreuses semaines par le ministre de la Santé.
En résumé, c'est ce que me disait dimanche soir une collègue de watson, où le gel hydroalcoolique coule à flots, et où le port de masques KN-95 n'est pas une mince affaire, dans un sain respect des distances sociales. Et pour obéir au Conseil fédéral, on télétravaille, aussi. Hélas, ce n’est pas suffisant. On l’oublie souvent, mais la lutte contre cette saloperie de le virus se fait désormais sur trois niveaux qui ne s'excluent pas mutuellement:
Les deux premiers, même parfaitement respectés – ce qui n’est pas toujours le cas, et ce dans un contexte de mobilité bien plus important que lors du premier semi-confinement – ne parviennent pas à freiner complètement la diffusion du virus. D’autant plus que le variant anglais est 50-70% plus contagieux que son prédécesseur, ce qui le rend plus dangereux.
«Son effet reste modeste sur la contagion, car le nombre de gens vaccinés en Europe est encore trop faible pour que cela ait un impact. Par contre, comme les injections sont très ciblées, c’est une toute une population, disons les plus de 75 ans, qui est désormais soustraite au risque», explique encore Antoine Flahault.
Conséquence de ce qui précède, les unités de soins intensifs (en France, en Italie) observent un net rajeunissement du profil des patients en réanimation, tendance que l’on n’observe pas encore en Suisse. «La majorité des hospitalisés de cette troisième vague auront moins de 60 ans, et souffriront de formes plus sévères de la maladie, précise Antoine Flahault. Ils vont être sauvés, la mortalité va baisser, mais ce sera plus lourd et plus long. Avec le risque d’une saturation très importante des hôpitaux.»
Pour ceux qui ne l’auraient pas encore compris après une année, c’est la prévention de ce risque qui est la clé de voûte des stratégies sanitaires (restrictions, protections) suivies en Europe.
Selon Simon Cauchemez, modélisateur à l’Institut Pasteur à Paris, la première chose à admettre reste l’imprédictibilité du virus, elle n’est plus à démontrer. Pour cette troisième vague, il faut d’abord savoir que le variant anglais peut rendre l’épidémie encore plus explosive.
«Malheureusement, pour le moment, cet effet positif des vaccins risque de ne pas être suffisant pour compenser dans les deux-trois mois qui viennent l’impact délétère des variants. Et puis il y a le timing, l’intensité et la durée des mesures de contrôle. On voit bien que tout cela constitue une équation très complexe avec de très nombreuses incertitudes. Dans ce contexte, il est illusoire d’essayer de faire des prédictions.»